Genève
Regards sur la Vieille-Ville


Photographies de Christophe Gevrey

Texte de Georges Haldas

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Les silences de la Vieille-Ville

Si j'avais un conseil à donner - ce qu'à Dieu ne plaise - je dirais à des amis sensibles et attentifs : par un beau dimanche d'été, l'après-midi, quittez la Place-Neuve, inondée de soleil, avec, fidèle à son poste, le général Dufour, et montez par la petite rue dite de la Tertasse, vers la Vieille Ville. Où, après la maison de Saussure, tournant à droite, vous vous engagerez dans cette vallée d'ombre qu'est la Grand'Rue à ces heures. Et là, je vous le demande, ralentissez le pas. Et même, arrêtez-vous. Pour accueillir le silence. Un silence brusquement déchiré par des cris d'hirondelles filant à tire d'ailes en direction du lac. Invisible, bien sûr, mais qui néanmoins fait régner dans l'air une douceur insinuante.

 

Fermés les petits commerces, les antiquaires, les galeries d'art. Fermés aussi les cafés hélas. Pas une âme. Non plus que dans les « allées traversantes ». Mais le miracle du vide, précisément, est de rendre toutes choses plus présentes. Et si vous vous dirigez vers la rue de l'Hôtel-de-Ville, peut-être sentirez-vous une chose étrange : qu'en raison du beau temps la campagne environnante, avec ses blés, ses vignes, ses bois, ses collines douces, s'en vient secrètement loger dans cette bulle solitaire qu'est la Vieille Ville le dimanche. Cela se manifestant en vous alors par un état de bonheur intime où vous vivrez tous ces étés de votre enfance qui semblaient ne devoir jamais finir. Reste que cette campagne environnante, vous pouvez la contempler, si le coeur vous en dit, du haut de l'une des deux tours de la cathédrale.

 

 

Autre silence. La nuit. Bien après l'heure des festivités. Silence de l'Hôtel de Ville avec sa rampe pavée. Silence de la cour Saint-Pierre où les pigeons eux-mêmes semblent dormir. Silence, dans l'Arsenal, des canons rêvant à Dieu sait quelles batailles. On entend. par une fenêtre ouverte, quelqu'un tousser. Dégringolent soudain du carillon de la cathédrale les notes égrainant l'air frais et léger de Rouseau, qui a traversé trois siècles : « Allons danser sous les ormeaux... » Qui, après s'être tu, rend plus dense encore le silence alentour. Mais là n'est pas le plus important. Le plus important, c'est de percevoir dans les hauteurs obscures, non pas quelques rares étoiles - à cause de l'étroitesse des rues - mais quelque chose de bien plus subtil et complexe. A savoir une aura invisible en laquelle se retrouve, dirait-on. tout le vécu de cette ville.

 

Après sa fondation, le temps des Franchises, la ville indépendante, la Réforme. l'entrée de la petite République enfin dans la Confédération helvétique. Mais plus encore les âmes de tous ceux qui, au cours des âges, ont fait de cette ville ce qu'elle est : artisans, commerçants, notables, sans parler des personnages plus ou moins illustres qui ont contribué au rayonnement de cette ville, à travers des disciplines abstraites (pas de campagne autour d'elle) théologie, droit, la banque, bien sûr, et par la suite la pédagogie. Tout cela, oui, émanant de ce que j'aime appeler la Ville haute. Qui mieux que tout m'a fait comprendre la juste et belle parole de Teilhard de Chardin : « Tout ce qui s'élève, converge ».
 

Mais rompant avec ces deux silences - dominical et nocturne - en voici un troisième : celui de l'aube, avec sa petite tache pâle annonciatrice de ce qui va suivre, autrement dit l'explosion colorée de l'aurore. Laquelle s'insinue par la rue des Chaudronniers (de jadis). Et dont l'éclat dans la douceur, dès mon adolescence, m'a renvoyé à l'expression mémorable de Homère : « L'Aurore aux doigts de rose ». Qui, à partir de là, vient délicatement touche le sommet des demeures tant populaires que patriciennes. Leur conférant la jeunesse même de la vie. Heure de tous les commencements, de toutes les promesses, où plus clair est le murmure des fontaines, plus alerte le pas des gens du matin allant à leur travail, plus gracieuses les silhouettes féminines. Bref, où l'austérité elle-même devient grâce.

 

 

 

 

Déjà les bateaux à roues s'en vont vers le haut lac, au-delà duquel on devine la Suisse et, au-delà encore, les Allemagnes. Et si, d'aventure, passant par la rue si bien nommée du Soleil-Levant, vous vous rendez à la promenade de la Treille, c'est la France, au loin. qui vous attend. Comme, par-delà les montagnes de Savoie, l'Italie. Pas de doute, l'Europe est là. Et dans cette tête matinale. Genève m'apparait chaque fois comme une graine ouverte au monde, chargée d'une énergie conquérante, mais éminemment pacifique et heureuse. Si bien que moi, qui n'ai pas une propension immodérée pour les slogans ou les formules officielles, je ne peux pas ne pas rappeler ici la devise que cette cité a faite sienne : Post tenebras lux. Après les ténèbres, la lumière. Celle des yeux comme celle, si possible, de l'esprit.

 

Genève
Regards sur la Vieille-Ville

Photographies de Christophe Gevrey

Texte de Georges Haldas - English Translation

Éditions Albert Philippon Photographies

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Un embrouillamini de dates et d’évènements a jalonné l’histoire de la vieille cité de Genève.
De la préhistoire à nos jours, de la “Pax romana”qui dura cinq siècles à l’installation du gouvernement austère de Calvin au seizième siècle, de la tentative avortée du Duc de Savoie d’anéantir le protestantisme en 1602 à l’arrivée des réfugiés huguenots, Genève ne connaîtra la paix qu’avec son entrée en 1815 dans la Confédération Helvétique.
Ces évènements - et bien d’autres - ont façonné les rues et les places de cette ville ancienne, motifs d’inspiration de tant d’artistes célèbres qui y séjournèrent.
C’est l’atmosphère si romantique de ces quartiers et de ces façades que le photographe Christophe Gevrey a capté grâce à un regard sensible à leurs lumières et à leurs ambiances.

Albert Philippon

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12- Au pied de la Cité, le plaisir des tout-petits
13- La Grand-Rue, une montée à l'austérité colorée
14- Des ruelles d'un autre âge
15- La Grand-Rue, une galerie d'art à elle seule
16- 17 : Des cours et des jardins insoupçonnés
18- Place Bémont, une maison rescapée du moyen-âge
20- La ruelle du Sautier
21- Les nuits mystérieuses de la vieille cité
22- Une descente dans l'Histoire
23- La place du Bourg-de-Four
24- La Clémence, du nom de la fameuse cloche de la cathédrale
26- Vue depuis la cathédrale
27- Le Bourg-de-Four, ancienne place du marché
28- Le palais de justice, un ancien hôpital
29- l'Eglise Luthérienne (1760), une apparence de maison de maître
30- Fontaine du Bourg-de-Four, un jardin d'automne
2- 33 : "La Clémentine", de Heinz Schwartz, frêle observatrice de la place
34- Toujours la place du Bourg-de-Four...
35- ...en toutes saisons
36- La librairie Jullien, depuis 1839
37- Visage serein sur un bas-relief de porte
38- Toits colorés de la vieille cité
39- Des façades aux couleurs impressionnistes
40- Place de la Taconnerie
41- Quand l'antiquité côtoie l'actuel quotidien
42- Ombres et symboles au coin de rue
3- La cathédrale Saint-Pierre (1160) de style hybride roman-gothique
44- Atmosphère glaciale autour de la cathédrale
45- L'auditoire de Calvin
46- La cathédrale, un lieu spirituel très visité
47- La chapelle des Maccabées (1405), une orgie de couleurs
48- La tour d'une cathédrale souvent remaniée
49- Dans la tour
50- Place de la Taconnerie vue de la cathédrale
51- Derrière la cathédrale
52-53 : l'Hôtel-de-Ville, lieu historique, politique et culturel
54- Authentique rue de la Pélisserie
55- Des "bouches-à-feu", canons inutilisés depuis le XVIIIème siècle
56- La maison Tavel, un musée de la Genève ancienne
57- Au pied de la maison Tavel, la fontaine du Puits-de-Saint-Pierre
58- Le passage de Monetier (XIVème siècle), ouvert pendant les fêtes de l'Escalade
60- La rue Etienne-Dumont, ancienne rue des Belles-filles
61- Des surprises en poussant quelques portes
62- Le café Demi-Lune, une ambiance très "branchée"
63- Promenade poétique
64- La rue Piachaud, une sortie vers la "ville nouvelle"
65- La minuscule chapelle de Saint-Léger
66- Rue Chausse-coq, un petit air de Provence
67- De rares artisans encore en place
68- La Promenade de la Treille...
69- ...un ancien vignoble du XVIème siècle
71- Un lieu de bénéfique isolement
73- La porte de la Treille et les occupations ludiques du dimanche
74-75 : Commémoration de l'Escalade du 12 décembre 1602
76- Des visiteurs hauts en couleurs
77- La "Figure étendue à la jambe repliée" d'Henry Moore, à usages multiples
78- Entrée du Musée d'art et d'histoire
79- Léda, ivoire, or et argent de James Pradier (1851), une des pièces maîtresse du musée
80- Escaliers seigneuriaux du Musée d'art et d'histoire
81- Dans la cour du musée, le "petit crocodile", don de Louis 1er de Bavière à Lola Montez
82- Promenade Saint-Antoine en Automne
84- Le collège Calvin (1559)...
85- ... ou la scolarité des vrais genevois
86- Façades sévères de la Promenade Saint-Antoine
87- Coupoles de l'église russe, comme des personnages qui nous observent
88- La Promenade du Pin...
89- simple passage de verdure
90- Bel immeuble de la place Franz Liszt
91- La rue Tabazan, lieu d'habitation d'une illustre famille de bourreaux
92- De belles entrées presque millénaires
93- Ici aussi, il suffit de pousser une porte
94- Les façades et les jardins princiers...
95- ...de la Place-de-Neuve
96-97 : Le Grand-Théâtre (1879) et une de ses muses
98- Statue équestre du général Dufour (1787-1875)
99- Sur la terrasse du palais Eynard
100- Echecs dans les Bastions
101- Glycine décoratrice aux Bastions
102- Les Réformateurs inspirent les artistes adultes...
103- ... et ceux en devenir
104- Le parc des Bastions, autrefois jardin botanique...
105- ... le plaisir à tous âges
107- Méditation face à David vainqueur
108- 109 : L'université et la fontaine Wallace
110- La vieille cité endormie dans l'effervescence environnante